Il y a plein de choses que je ne
vous ai pas racontées encore. Évidemment, je vous ai caché une multitude de
détails concernant ma vie quotidienne, mais pis encore, je n’ai pas partagé
avec vous plusieurs de mes aventures hors-Carpi. Je ne vous ai toujours pas
parlé de la fois où je suis allée à Verona,
ni de celle où je suis retournée au Lago di Garda pour un souper éclair, ni de
mes deux visites à Parma. Et que dire de cette escapade au Monte
Sole, que nous avons faite il y a déjà plusieurs semaines ? Celle-là
aussi, j’ai omis de la mentionner. Je n’ai pas encore pris la peine de terminer
le récit de mon week-end en Toscane. Vous ignorez toujours qu’après Florence,
je suis allée rejoindre F. à Lucca
pour un super week-end en amoureux.
C’est ce que je voulais vous
raconter aujourd’hui, cette fameuse fin de semaine dans la sympathique et
médiévale ville de Lucca.
Je voulais vous parler de la superbe
auberge de jeunesse
qu’on y trouve. Pour soixante euros par nuit, nous avons eu droit à une chambre
à deux étages avec un lit double, deux lits simples, une télé et une salle de
bain. Incroyable. Je voulais aussi vous entretenir au sujet de tous ces bons
petits restaurants où nous avons fait escale au cours de notre week-end, que ce
soit pour le dîner ou pour le souper. J’ai mangé de délicieux tortellini
in brodo dans une osteria vraiment
chaleureuse et accueillante qui nous avait été conseillée par une dame tenant
une boutique, où nous avions préalablement fait provision de produits typiques.
J’aurais eu plein de choses à rajouter sur les succulents alcools que nous
avons achetés à cet endroit. Il aurait été facile de vous entretenir pendant de
longs paragraphes sur la beauté surprenante des tours
de Lucca, surtout de celle au sommet de laquelle ont été plantés des
arbres, de l’ambiance de fête et de bien-être qui règne dans ce bourg qui est
encore aujourd’hui ceinturé des murs érigés par les Romains, murs qui forment
un anneau de cinq kilomètres sur lequel il est possible de se promener à pieds
ou en bicyclette ou de faire son jogging. Vous auriez pu rire un bon coup si je
vous avais décrit le moment où nous avons justement loué un vélo tandem pour
parcourir ces superbes sentiers. L’histoire aurait pu se poursuivre avec
l’évocation des quelques heures que nous avons passées au jardin
botanique, ou de celles où nous avons déambulé dans le centre-ville qui
était envahi par un marché d’antiquité, ma foi, plutôt impressionnant. Et
j’aurais peut-être manqué de mots pour bien vous permettre de comprendre
l’émotion que nous avons ressentie quand nous sommes rentrés dans cette enoteca
dotée d’une immense cave à vin
qui sentait la poussière, le bois humide et les vieux tanins et qui renfermait
des trésors incroyables. J’aurais pu terminer le tout en vous expliquant
pourquoi nous sommes passés par Pisa
avant de retourner à la maison, en vous énumérant les plats exquis que nous
avons savourés à l’un de nos restaurants préférés, le Repubbliche Marinare,
et en vous vantant la blancheur de Pisa, son ciel bleu, ses incontournables ricciarelli…
Mais je ne le ferai pas.
Je ne m’attarderai pas davantage
sur chacun de ces éléments pourtant fort intéressants car, moi, ce n’est pas ce
qui a retenu mon attention. Ce qui m’est resté de ce week-end n’a rien à voir
avec des monuments moyen-âgeux, des repas divins, des lieux surprenants, des
promenades bucoliques. Le souvenir le plus puissant que je garde de cette
escapade en Toscane n’est pas tant lié avec l’endroit lui-même qu’avec la
manière dont je m’y suis sentie. Lors de ce week-end, j’ai réalisé que j’étais
foutrement amoureuse.
F. semble parfois tenir ici le
rôle de simple abréviation – une lettre suivie d’un point. Il apparaît dans
plusieurs de mes aventures comme un personnage secondaire, pourtant, il
représente tellement plus que cela. F. est le centre de ma vie. Je ne ressens
pas toujours le besoin de parler de lui, de spécifier qu’il est là, avec moi,
car cela va de soi dans ma tête qu’il est présent. Je ne m’imagine pas faire
toutes ces choses sans lui. Les événements importants, c’est avec F. que je les
vis. Il m’accompagne, me soutient, me fait rire, me déçoit parfois, parce qu’il
est humain, mais il sait si bien se racheter. F. est mon mari. Parfois, je
n’arrive pas à le réaliser. Je suis mariée. Ça me fait encore drôle à dire.
Pourtant, ça ne pourrait pas être autrement pour moi. Me marier avec lui fut la
plus belle folie que j’ai faite dans ma vie. Nous avons décidé ça très vite,
après à peine dix mois de fréquentation, mais cela nous apparaissait comme
l’unique chose à faire. Une certitude dans le creux du ventre, une voix qui
nous murmurait : n’ayez pas peur. Avec F., je n’ai peur de rien. Ensemble,
nous pouvons tout faire. Le monde nous appartient et l’impossible n’est qu’une
étoile lointaine à peine observable les soirs de ciel dégagé.
Je ne sais pas ce qu’est l’amour
pour les autres, je crois qu’il n’existe pas une seule définition de ce
sentiment parfois troublant, parfois salvateur, parfois déchirant, parfois
réparateur. Mais pour moi, l’amour, c’est F. Il est mon confident, mon amant,
mon meilleur ami, celui qui me connaît le plus sur cette terre, probablement
même plus que ma mère ; il est celui avec qui j’aime aller au cinéma,
magasiner, marcher en forêt, visiter des musées, planifier des voyages, me
perdre, faire des tours de bagnole, du jogging, des gâteaux ; il est
l’homme du présent et du futur, celui avec qui l’avenir devient envisageable,
avec qui je conçois mille projets irréalisables et mille autres que nous
mènerons à terme, ensemble, toujours, parce qu’à deux, nous savons que pouvons
accomplir de grandes choses. La prochaine étant, nous l’espérons, de faire des
enfants. J’espère qu’ils auront sa patience, sa sensibilité, ses oreilles, son
menton, son endurance, son ouverture d’esprit, sa beauté intérieure.
Lucca, pour moi, se résumera
toujours à cela : la ville où je suis tombée amoureuse de mon chum pour
une deuxième fois. Et celle où je me suis dit que Luca, ça ferait un joli nom
pour un petit garçon.